[Entrainement]Joute libre

Après avoir salué son ami Sethys,
Barth prépara ses mots, et l'oeil plein de malice,
Lança :

- Et pour répondre à monsieur de Lafleur,
Je ne puis m'empêcher de servir cette maxime :
Qui dit qu'une fine raillerie est une épine
Qui a conservé un peu de parfum de fleur.

Mais vos propos me semblent fatigués
Votre plante carnivore, ne tient plus sur sa tige
Des syllabes incertaines, vos mots sont des vestiges
Vos mots me semblent quelque peu fanés.

Ayant dans le désir de faire fulminer,
Et pour enfin passer aux pointes corrosives,
Lança donc pour conclure :

- Est-ce elle, la fautive,
Cette fiole de rhum vous a-t-elle... ...désherbé ?

Traînant aux alentours une oreille distraite, Guillaume vint saisir les dernières répliques. Mû par quelque folie dûe à son fort jeune âge, ce jeune homme fougueux mais certes inconscient se jeta dans la lutte avec tute la verve que l'on peut espérer en un si jeune coeur.

Rimailleurs moribonds qui vous barbouillez tous
De plumes égarées hors des murs du poème!
Le dodécasyllabe est la beauté suprème
Qui doit être scandée! - Et voilà qu'on le tousse.

Sous couvert d'éructer dans un langage vif
On oublierait ainsi l'"e" muet, la césure,
Et qu'une rime à qui il manque la mesure
N'est jamais qu'une voile ôtée de son esquif!


.

Lafleur commencait à ressentir les effets de la Grappa qu'il buvait avec empressement à la buvette. Il en aurait fallu bien plus pour étancher la soif provocquée par la joute d'échauffement de la dernière après-midi où les acteurs en présence avaient croisé assez âprement le vers. Aux premiers alexandrins déclamés dans la salle d'échauffement, Lafleur crut que son ouie lui jouait des tours. Mais manifestement quelqu'un s'éxercait dans cette salle. C'est avec un peu d'émotion que Lafleur découvrit alors le premier visiteur de l'école de rixme se lancant non pas dans un, mais deux magnifiques quatrains qui dénotaient qui déjà une certaine maîtrise.

"Cher Monsieur, souffrez que je me présente. Lafleur, ambassadeur de la Révolution Personelle et Sociétaire de l'Ecole de Rixme. Vous me comblez de bonheur avec vos quatrains, même si personne n'est là pour vous répondre. Car il était l'heure pour nous de s'arrêter et d'aller arroser la fin de notre dernière joute. Vous me voyez désolé de ne pouvoir vous donner le change, ma fatigue étant bien trop grande. Mais venez donc avec moi à la buvette faire un petit tour. Vous pourrez ainsi vous présenter et très certainement trouver une personne avec qui jouxter!!"

De Rochebrune s'inclina respectueusement devant Lafleur, puis se redressa gaillardement et répondit fort tranquillement :

"Je suis très honoré, monsieur, de votre courtoisie. Je connais mal ces lieux, mais j'aurai plaisir à vous y suivre, et d'autant mieux s'il s'agit d'aller boire quelque spiritueux ravivant la langue et l'éclat de nos yeux. Et je serais comblé de pouvoir scander quelques vers, au détour d'une lutte ou d'un refrain à boire.
Je suis né Guillaume, fils de Philippe de Rochebrune, et je suis parti trouver en ces lieux une sérénité que bien des âmes convoitent sans jamais l'aller chercher.
Je suis votre obligé, chevalier!"

Puis, à Sethys, qui déjà passait la porte en ricanant :

"Monseigneur, j'avais cru que mon humble dispense
D'un riche enseignement dont nous usons ici
Pût être secourable en tel ou tel conflit.
Soit! Vous ignorerez les règles de la stance,

Et vous demeurerez tout alourdi d'espoirs
Sans avoir les moyens de jouter en quatrains.
Vous luttez sans savoir quel est notre terrain
Et si je vous combats, je vous vaincrai sans gloire..."